Michaël repassa par sa chambre hodienne, tapissée de soie et de sable, pour rassembler ses affaires. Sur un large bureau gisaient des dizaines de tablettes de cristal et d'écrans, derniers témoins d'une étude intensive : celle de Guebourah, et surtout de Madim. La capitale était assiégée, la logistique à l'agonie, les renforts clairsemés. Trop peu de vertus militantes restaient en vie.
— Pourvu qu'els me laissent combattre, murmura Michaël.
El visualisait déjà les filets de lumière qu'el allait tisser au-dessus des troupes guébouréennes, galvanisant ses millions de vertus. El grimaçait déjà de douleur et d’extase à l’idée de sentir ses membres tirés, ses doigts cramper à force de tisser. Cela faisait trop longtemps qu’el n’avait pas ressenti cette délicieuse sensation.
Aussi impatient qu’appréhensif, Michaël jeta toutes ses affaires dans un sac-univers-poche. Cet accessoire, confectionné par les ophanim, pouvait contenir une infinité de choses. Vêtements, documents, appareils, tout y entra. Michaël y nicha aussi son petit akshoka, le fragment d’esprit azohien confié par Nakirée, qu’el gardait précieusement. Un jour, el l’espérait, el pourrait tenir sa promesse, le remettre à Euthanatos.
Michaël quitta finalement sa chambre et descendit dans la grande salle de commandement de la Flèche, devant le trône du capit’aile. Là, el retrouva Sasha, et sa chorale d’une centaine d’élohim. Tous étaient droits comme des i, tendus mais trop impressionnés pour bouger. Le faux Zinebiel trônait au-dessus, impassible, le regard perdu entre les étoiles. Michaël tenta d’attirer son attention, en vain. Alors el se plaça aux côtés de Sasha et patienta.
— On attend quoi ? demanda Michaël.
— Une escorte venue de Guebourah va arriver, affirma Sasha.
Quelques minutes passèrent, durant lesquelles Michael scruta le visage dignement triste de son amant. Un mauvais pressentiment semblait posséder Sasha, une sorte de deuil. Michael n’osa l’interroger, trop impatient pour quelconques atermoiements. Finalement, Nana entra, suivie par une immense puissance tout en armure rouge, aussi magnifique que terrifiante. La vertu de Géhenna se retourna vers le colosse derrière el et le présenta.
— Voici Léoniel de la Milice de Madim. Léoniel, voici le prince Michaël Fitzarch.
Léoniel et Michael restèrent quelques secondes sidérés l’un face à l’autre. Michael observa l’immense stature de la puissance. Son armure était un monument, une œuvre d’art et de force. Ses plaques de cristal rouge étaient gravées d’innombrables runes et symboles. Le bouclier et l’épée de Guebourah, la balance de la Justice, la lance de la Miséricorde. Des draperies rouges et noires ornaient la tenue du guerrier, un halo de fer rouge couronnait son casque. À sa ceinture étaient attachés un blaster luminique et une épée luminescente.
Léoniel retira son casque pour saluer le Fitzarch, s’inclinant légèrement. Michael découvrit un visage mat et buriné, aux traits nobles. Léoniel avait des cheveux et des yeux noirs. Son regard était dur, captivant. Michael se sentit si écrasé par la puissance qu’el eu un peu de mal à respirer. Léoniel, quant à el, resta stoïque mais s’amusa intérieurement. Le Fitzarch était jeune, très joli avec sa peau dorée et ses longs cheveux noirs. Mais ses yeux gris perçants étaient emplis d’une tempête orageuse.
— Command’aile Michael. Je suis le lieutenant Léoniel Spardélis, à votre service.
— À mon service ? souffla Michael.
— Léoniel est ton bras armé, sourit Nana. El vient avec un contingent de puissances. Cadeau de Sparda.
Michael eut un sourire plein de gourmandise.
— Bien. Léoniel, merci d’être venu nous chercher. Moi et ma suite sommes prêts à embarquer.
— Votre suite ? fit Léoniel en observant la troupe de Sasha.
— Oui. Ces élohim doivent venir avec moi, affirma Michaël.
Léoniel lança un regard à Nana, puis au faux Zinebiel, qui resta silencieux. La domination semblait s’être réveillée, mais se contentait de sourire.
— Vous seul êtes censé venir avec moi, dit Léoniel. Le reste des troupes débarquera progressivement via le célestoport.
— Je sais, osa Michaël. Mais je souhaite que ces élohim là viennent avec moi dès maintenant.
— Je le déconseille fortement, asséna alors Léoniel, de sa voix grave. La zone que nous allons traverser est cernée de ténèbres. Nous n’avons pas prévu d’escorter autant d’élohim.
— Je pensais que nous passerions par le Reflet, s’étonna Michael.
— Le Reflet aussi est gorgé de ténèbres, d’ombres plus précisément, expliqua Léoniel. Mais c’est pareil. Pour la sécurité de vos élohim, vous devriez les laisser débarquer plus tard, comme prévu.
Prit de cour, Michael regarda Nana, qui n’avait pas l’air étonné, puis le faux Zinebiel, qui affichait un sourire satisfait. Puis el se tourna enfin vers Sasha, qui ne lui laissa pas le temps de dire quoi que ce soit.
— Je vais rester ici Michaël, annonça la principauté. Je ne veux pas mettre en danger qui que ce soit. Je te rejoindrait plus tard.
Le souffle de Michael se coupa, sous l’indignation. Tout ça pour ça, réalisa-t-el.
— Je viendrai te chercher s’il le faut, clama alors le Fitzarch.
Sasha sourit, son halo retrouva son éclat. Michael le prit sans ses bras, le serra fort.
— Nous organiserons un transport dédié si vous le souhaitez, rassura Léoniel. Mais pour le moment, nous devons partir seuls.
Michaël se sépara à regret de son amant, lâchant ses petites mains, puis el parti sans se retourner. J’ai pas besoin de lui lancer un regard d’adieu, se persuada le Fitzarch. El suivit Léoniel hors de la salle de commandement, dans une salle annexe que Michaël n’avait jamais remarqué. L’endroit, fondu de bronze, était couvert de milliers de miroirs. Derrière un grand rideau de velours rouge se cachait le plus immense. Devant patientaient deux dominations masquées, revêtues de combinaisons de latex rouge de la tête aux pieds, un choix vestimentaire pour le moins… intéressant. Mais plus intéressant encore : elles n’avaient pas de reflet.
— Fitzarch, salua l’une d’entre elles. Tends ton bras.
Michael soupira et obéit. Un filet de sang d’Adam, à l’odeur âcre, se faufila du poignet de la domination dans celui du Fitzarch. Michaël vit alors son propre reflet disparaître du miroir. Des frissons parcoururent ses membres. El observa Léoniel, qui avait remis son casque. El non plus n’apparaissait pas dans le miroir. Était-el un pantin de Géhenna ? Ou juste un passager, comme Michaël ?
— Cette chose est-elle vraiment nécessaire ? demanda Michaël. Je ne compte pas me déguiser…
— Tu as besoin du Sang d’Adam pour circuler dans le Reflet, rappela la domination.
— Ne fais pas comme si tu étais trop noble pour la magie du sang jeune Fitzarch, ria la deuxième. Tu as synthétisé ton propre élixir des années durant pour te cacher à Tiphéreth. Le nôtre n’est pas si différent. Il découle de la même source.
— J’ai synthétisé du jus de grenade, rappela Michaël. Ça n’a rien à voir avec votre truc puant.
Les domination échangèrent des sourires énigmatiques, la vérité cachée derrière leurs masques.
— C’est bon ? demanda Léoniel, impassible.
Les dominations approuvèrent. Léoniel entra dans le miroir, franchissant son seuil comme s’il n’était qu’une arche vers une autre salle. Voyant Michaël hésiter, el lui tendit son énorme main, dans un geste étrangement tendre. Le jeune Fitzarch rougit, mais la saisit, et passa dans le Reflet. El se retrouva dans exactement la même pièce, mais soudain, tout sembla silencieux. Jusqu’à ce que Nana débarque.
— Ouuh nous revoilà ! ricana la vertu de Géhenna.
Michael masqua son agacement et suivi Léoniel, qui avançait déjà. Les trois élohim progressèrent dans une Flèche vide. Aucun élohim sur le pont de la capit’ailerie, personne pour gérer les innombrables systèmes du vaisseau, pour le piloter. Pourtant, tout semblait fonctionner. Michaël réalisa l’étrangeté de la situation. El regarda Léoniel, qui ne disait rien. En savait-el plus ? El aurait aimé l’interroger, mais la présence de Nana le gênait. Oh, et puis tant pis !
— Tu es déjà venu dans le Reflet, Léoniel ? demanda Michaël.
— Oui, répondit le colosse.
— Et que sais-tu de cet endroit ?
— Qu’il est dangereux.
— Alors pourquoi on passe par là ? s’agaça Michael.
— Pour aller plus vite. En vérité, il n’est pas plus dangereux que notre plan de la réalité, révéla la puissance. Tout est reflété, sauf les gens.
— C’est assez avantageux, sourit Nana.
— Et tu l’explique comment ? insista Michael, prit d’un sentiment oppressant d’horreur cosmique face à cette dimension inconnue.
— C’est une question pour les savants, s’amusa Nana. J’ai une tête à comprendre ces choses là ?
— Satanachia en sait sûrement davantage, dit alors Léoniel.
Michael adressa un regard intense, plein de reconnaissance, à la grande puissance.
— Tu fais partie de Géhenna ? demanda-t-el de but en blanc à son nouveau collaborateur.
— Non, de la Milice de Madim, rappela Léoniel. J’ai travaillé quelques fois avec Géhenna. C’est une de nos chorales partenaires, expliqua la puissance, qui sentait bien que son jeune command’aile avait besoin de réponses. Géhenna, par la volonté du seigneur Satanachia, nous aide bien. C’est els qui ont permis ta venue ici.
— Ce sont des voyous ! s’énerva alors Michaël. Aux méthodes illégales.
— Ah… fit Léoniel, alors que Nana éclatait de rire.
— Et tu ris en plus ! s’indigna Michaël.
— C’est la guerre, dit alors Léoniel. La guerre nécessite parfois des méthodes radicales, illégales même. On pense que cette guerre se joue entre nous les démons, mais malheureusement, elle se joue aussi entre les élohim.
Le souffle de Michaël se coupa. Son regard intense fixa Léoniel, qui continua sans faillir, tout en avançant.
— Depuis des millénaires, Guebourah se bat avec les autres royaumes pour obtenir les ressources dont elle a besoin pour défendre les Cieux. Parfois, elle doit affronter des intérêts contraires, des esprits ignorants, des égoïsmes dangereux. Parfois, ça tourne mal. Parfois, nous nous battons entre nous, ici-même. Pour l’honneur, pour le pouvoir.
— Tu l’as vu à Tiphéreth, rappela Nana. La politique, c’est moche.
— Ça ne justifie pas tout, dit Michaël.
— On ne fait rien gratuitement, affirma Nana.
— Et le meurtre de Zinebiel, c’était pas gratuit ça ?
— Le capit’aile a fait des choix malheureux, soupira Nana. Le désespoir pousse à bien des idioties, n’est-ce pas lieutenant Léoniel ?
— Le désespoir, c’est toute ma vie, répondit la puissance.
Michaël fit une moue agacée. El ne comptait pas se laisser emporter par le désespoir. El l’avait étudié, il y avait tant à faire pour aider Guebourah, tant de possibilités, d’espoir. Léoniel vit le halo de Michael scintiller sous l’impatience, et sembla s’en amuser.
Descendant vers les étages inférieurs de la Flèche, les trois élohim arrivèrent finalement dans un petit hangar où cinq grosses navettes de bronze les attendaient. Une dizaine de puissances toutes en armure rouge, comparables à Léoniel, montaient la garde, tandis que quatre cultistes de Géhenna, dans leurs combinaisons, scrutaient Michaël comme un bout d’ambroisie appétissant. La troupe embarqua et le trajet commença. Michaël resta silencieux, entre fébrilité et impatience. Les navettes circulèrent relativement rapidement dans le Domitia vide, sans encombres, sans bouchons, et en sortit en une heure.
Volant dans l’espace de Guebourah, Michaël découvrit la grandeur de l’Astarté, bleu sombre et en bas, le Gueb rouge, plongé dans l’ombre. La nuit régnait, même dans le Reflet. Les ténèbres rôdaient, englobant la séphira, s’infiltrant à l’intérieur. Michaël déglutit. C’était une chose d’être au courant de la situation, c’en était une autre de la voir en personne.
— Ce que tu vois, ce sont les ombres des démons, expliqua Nana. C’est leur reflet à eux, j’imagine, théorisa Nana. S’en approcher c’est disparaître, donc ça revient au même.
— C’est en voyant leurs ombres dans le reflet que tu avais pu repérer les démons du temps dans le Domitia, n’est-ce pas ? se rappela Michael.
— Exact, sourit Nana.
— Voici Olympus, pointa Léoniel à travers la vitre du vaisseau.
Michael découvrit alors la région de Madim, capitale de Guebourah. El vit en premier Olympus bien sûr, immense volcan-bouclier de près de mille années lumières de hauteur et trente mille de largeur, entouré par la galaxie lumineuse qu’était Madim. La caldeira du volcan brillait plus que tout, véritable soleil illuminant la nuit. Autour, d’autres cités-volcans brillaient, formant des constellations. Mais Léoniel pointa vers une zone noire, sous trois volcans alignés.
— Là, ce sont les Labyrinthes de la Nuit, expliqua la puissance. Au sud-est des Monts de Tharsis.
— La plus grosse zone d’infestation démoniaque, se rappela Michaël.
— Le royaume défend la séphira de toutes ces forces mais les démons sont déjà entrés. Nous avons réussi à les contenir dans cette région grâce aux bombardements luminiques. Mais ils semblent se multiplier à n’en plus finir.
— Cet endroit est devenu un nid abominable, avait compris Michaël.
— Une véritable horde est en train de se former et un jour, elle va déferler sur Madim, prévint Nana.
— Nous allons l’en empêcher, promis Michaël. Seule une contre-horde d’élohim fera l’affaire. J’ai besoin d’informations sur les ressources à disposition.
Léoniel se tourna vers Michael, l’observant sans rien dire. Le jeune Fitzarch sortit une tablette de cristal de son sac et montra à la puissance son étude des Labyrinthes, détaillant ses stratégies pour nettoyer la région. Léoniel écouta avec grande attention, mais se retint de donner son avis sur les propositions du Fitzarch.
— Qu’en penses-tu ? demanda Michaël.
— Tu verras avec Sparda, répondit poliment Léoniel.
— Mais tu penses forcément quelque chose, râla Michaël. Tu es mon sous-command’aile maintenant, alors conseille-moi.
Léoniel ne dit rien, son expression cachée derrière son casque. Était-el gêné ? Perdu ?
— Le lieutenant n’ose pas se prononcer avant son papa Sparda, moqua Nana.
Michaël leva les yeux au ciel et avec Léoniel, replongea dans son étude. Mais quelques minutes plus tard, des turbulences agitèrent les vaisseaux du convoi. Michaël s’accrocha, horrifié, alors que les ombres entouraient le vaisseau.
— Les démons ?! demanda le Fitzarch.
— Ne bouge pas, ordonna Léoniel en brandissant ses armes.
Les puissances et les cultistes de Géhenna, des dominations, sortirent alors de leurs navettes pour aller taillader les ombres. Les vaisseaux tremblèrent à tout rompre. Michaël ne put s’empêcher d’émettre quelques hurlements horrifiés alors que Nana le poussait à se cacher entre les sièges. Dehors, les guerriers pressaient leur lumière contre les ombres, repoussant la nuit.
— Il faut que je les aide ! s’exclama Michaël, révolté de se cacher comme un lâche. Je peux tisser…
— Non ! ordonna Nana. Tu ne sais pas comment les aider, crois-moi !
Michaël entendit des rugissements au-dehors. Jetant un œil, el aperçut des silhouette apocalyptiques. Les puissances en armure rouge étaient devenues des bêtes colossales et féroces, déchirant les ténèbres par leurs griffes et leurs crocs de lumière. Michaël hoqueta. El avait déjà vu des puissances dans leurs formes apocalyptiques, mais jamais d’aussi près. Ce n’était pas tout. D’autres silhouettes combattaient les ténèbres, rouges et suintantes. Des oiseaux aux plumes blanches tâchées par le sang d’Adam. Les dominations de Géhenna. Leurs yeux étaient rouges et fous. L’une d’elle agrippa la navette dans ses immenses serres et la fit tourner dans les airs.
— Ah ! Mais c’est quoi ça ?! hurla Michaël.
— El nous tire de là ! dit Nana.
Les dominations aviaires entourèrent la navette du Fitzarch, formant avec leurs ailes un bouclier impénétrable. Nana s’agita au-dessus d’une boule de cristal noire, semblant appeler à l’aide.
— Allo ? Allo ? Golohab ?
— Temple de Golohab allô ? répondit une voix moqueuse à l’autre bout du fil.
— Où êtes-vous ?! On est assailli là ! hurla Nana.
— Qui est à l’appareil ?
— Nana !
— Nana ?
— Nathaniel ! Nathaniel Fitzor !
— Oh… Où êtes-vous ?
— On est à Golohab… dans le Reflet depuis des heures !
— Ah… Nous sommes en chemin…
Des hurlements stridents résonnèrent dehors. Les dominations aviaires décollèrent, révélant une horde de démons rouges fendre la nuit. Michaël hurla, voyant sa mort venir. Mais les démons n’attaquèrent pas les vaisseaux. Leurs corps difformes, cornus, griffus, vinrent déchirer les ténèbres. Els se battirent aux côtés des puissances, dans un tableau ubuesque. Leur lumière rouge effaça les ombres. Michael lança un regard horrifié à Nana.
— C’est quoi ça ? souffla le jeune Fitzarch.
— Les renforts, soupira la vertu de Géhenna, les traits autant soulagés qu’agacés.
— Ce ne sont pas des élohim ! s’inquiéta Michaël.
— Si. Ce sont des guerriers de Géhenna. Regarde, els ont des halos, tu vois ?
Choqué, Michaël resta pétrifié, coincé entre deux sièges. El observa ces élohim monstrueux, des silhouettes rachitiques qui valdinguaient de manière absurde contre les ténèbres, leurs visages affamés, figés dans des expressions déformées. Nana resta près d’el alors que le vaisseau perdait de l’altitude.
— Aller courage, on est presque arrivés.
♂
À l’extérieur, les ténèbres s’éloignèrent. Les furies rouges et les puissances, toujours dans leurs formes apocalyptiques, escortèrent le convoi, qui descendait vers Olympus. Michaël vit l’immense volcan bouclier à travers la coque transparente de son vaisseau et fut pris d’un vertige. Un instant plus tard, Léoniel revint dans le vaisseau. Michael ne le vit pas arriver. Mais le lieutenant le souleva et le remit sur ses pieds.
— Fitzarch ? Ça va ?
Michael déglutit. El leva ses yeux clairs et interrogea intensément son lieutenant du regard. L’expression de ce dernier était cachée derrière son casque. El pointa vers l’extérieur et annonça :
— Nous arrivons à Madim.
Le convoi descendit entre les sommets de tours noires, de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de haut, entrant dans une véritable forteresse, entièrement vide, sans vie. Comparable à la Voie lactée en taille, Madim était un labyrinthe gothique d’obsidienne et d’acier noir. Ses flèches hérissées transperçaient l’Astarté assombrit comme des lances pointées vers l'inconnu, défiant sans relâche les légions de l’ombre. Chaque tour de Madim était un bastion, chaque avenue une tranchée. Des ponts massifs de métal forgé reliaient les citadelles suspendues, d’où les miliciens surveillaient les cieux. Les dômes de lumière qui les fortifiaient n’étaient pas de simples remparts : ils étaient gravées de sceaux, formant des barrières runiques contre les incursions démoniaques. L’air était saturé de chants de guerre psalmodiés par des principautés, leurs voix résonnant à travers les tours-échos. D’où venaient ces voix ? Le Reflet n’était pas vide ?
— Hors du Reflet on ne pourrait pas entrer si facilement dans la ville, expliqua Léoniel. Mais ici, il y a personne pour nous gêner…
Michael ne répondit pas, subjugué face à la forteresse cosmique qui se révélait sous ses yeux. Entre les bâtiments, des fleuves de lave, rouge incandescent, serpentaient comme des artères brûlantes à travers la cité. L’air ondulait sous la chaleur. À mesure que le convoi descendait, l’Astarté disparu sous des nuages noirs, striés d’éclairs. Léoniel vit le choc sur le visage de Michaël face à ce paysage apocalyptique, étrangement vide, mais écrasant.
— Bienvenue à Madim, souffla le lieutenant. Je sais que ce n’est pas comme dans les autres capitales des Cieux…
— Il n’y a pas de beauté ici, laissa échapper Michaël. Sasha avait raison…
— Moi je trouve ça stylé, ricana alors Nana.
Le convoi, toujours escorté par de monstrueux élohim, s’enfonça de longues minutes dans la fournaise. Finalement, il entra dans une des innombrables forteresses, franchissant un immense pont-levis : un monolithe flottant grand comme un astre, maintenu en suspension par des chaînes de feu sacré séraphiques. Elles bougèrent lentement, comme des serpents de lumière écarlate, et lorsque le pont s’abaissa, elles se contractèrent et gémirent, tordant la réalité autour d’elles.
Le convoi pénétra dans la forteresse et atterrit dans un grand hangar d’acier sombre. Léoniel escorta Michael hors de son véhicule, mais en posant le pied au sol, le jeune Fitzarch perdit l’équilibre et chancela. Léoniel le rattrapa d’une seule main. Michael rougit, puis s’agaça de sa propre faiblesse. El ne pouvait pas se montrer si fébrile, surtout pas ici. La jeune vertu se reprit alors que Nana ricanait encore, moqueur. Mais c’est alors que Michael sentit une odeur familière lui brûler le nez. El grimaça. Une senteur ferreuse, âcre. Celle du Sang d’Adam.
— Où sommes-nous ? demanda le jeune Fitzarch.
— Au QG local de Géhenna, expliqua Nana. Nous allons passer par notre temple pour retrouver notre réalité.
— Je suis passé par là pour entrer dans le Reflet, affirma Léoniel.
— Ok, soupira Michaël.
Autour, l’escorte apocalyptique se posa à son tour. Les élohim monstrueux reprirent leurs formes normales comme si de rien était. Mais certains étaient blessés. Michael évita de les regarder, pour s’épargner une certaine détresse. La troupe avança dans la forteresse sombre. À l’intérieur, le silence était pesant, brisé seulement par l’écho métallique des pas de Michaël et de son escorte. D’immenses colonnades d’obsidienne s’élevaient jusqu’à un plafond noyé dans l’obscurité, où pendaient des bannières déchirées, figées dans un souffle absent. Des statues de puissances en armes, leurs visages effacés, se dressaient le long des murs comme des sentinelles pétrifiées par le temps. Le sol, de basalte noir poli, reflétait les brasiers éternels qui éclairaient la voie. La troupe passa devant des armureries désertes, des casernes vides, mais à mesure qu’elle avança, elle découvrit des symboles cryptiques, peints en rouge sur les murs. Michael reconnut les symboles de chaque royaume des cieux, le bouclier et la lance de Guebourah, la croix au halo cornu de Hod, le cercle au centre pointé de Tiphéreth, entre autres, entourés d’écritures indéchiffrables, ou dans d’étranges mises en scène. Quelques instants plus tard, Michael découvrit une fresque immense représentant une sorte de séraphin, sous sa forme serpentine, doté de trois têtes cracheuses de feu.
— Que signifient toutes ces peintures ? demanda finalement Michaël.
— Les divagations de nos dominations, sourit Nana. N’y prête pas attention. Tu y perdrais la raison à vouloir les déchiffrer…
— Les dominations sont déjà perchées par nature, remarqua Léoniel. Leur consommation du Sang d’Adam ne doit pas aider. Je sens cette substance pulser dans mes veines et me donner des envies de violence…
— Oula, on reste calme lieutenant, fit Nana.
La troupe parcourut quelques centaines de mètres à tire-d’aile à travers la forteresse, jusqu’à s’arrêter devant une double porte sculptée d'hauts-reliefs. Michaël reconnut avec un certain effroi les figures apocalyptiques quelque peu inhabituelles des dominations de Géhenna. Dénuées de plumage, le plus perturbant était leurs expressions tordues, dignes de démons. Quelques instants plus tard, une voix résonna.
♂“On me cherche dans les étoiles,
On m’écrit dans des livres,
Mais je change à chaque instant,
Et nul ne peut m’échapper.
Qui suis-je ?”♂
— L’avenir, répondit Michaël du tac au tac.
Nana poussa un gloussement surprit. Léoniel se gratta le casque. La double porte s’ouvrit dans un fracas grave. Michaël découvrit l’intérieur d’un temple noir. Une première chose l’agressa, l’odeur intense du Sang d’Adam. Le Fitzarch grimaça, mais n’eut d’autre choix que d’avancer.
Le Temple de Géhenna était une cathédrale gothique cauchemardesque, toute en cristal noir poli. Ses voûtes vertigineuses, semblant s’élever sans fin, étaient soutenues par des colonnes massives et effilées, torsadées comme des griffes cherchant à perforer le ciel. Michael leva les yeux, cherchant un plafond, qui n’existait pas vraiment. A la place : une vision d’étoiles inconnues, mouvantes, formant des constellations que nul astronome n’aurait pu identifier. Des gargouilles grotesques, mi-élohiennes, mi-démoniaques, surgissaient des murs, leurs bouches ouvertes laissant échapper un filet de brume rougeâtre qui s'évaporait aussitôt. Le sol était une sorte de miroir, où Michaël vit son reflet se déformer en d’étranges silhouettes mouvantes. L’ensemble donnait une impression de fragilité illusoire, mais il écrasa pourtant Michaël, qui frémit.
L’air était épais, saturé d’un parfum âcre et ferreux. L’odeur émanait de bassins de Sang d’Adam, dont la surface carmin miroitait sous la lueur spectrale des halos des dominations-oracles présentes ici. Ces bassins, disséminés dans les nefs du temple, semblaient palpiter comme des plaies ouvertes, exhalant des effluves métalliques qui s’infiltraient jusque dans la gorge, rendant l’atmosphère suffocante. Michaël sentait le goût du sang sur sa langue avant même d’avoir respiré pleinement. Les dominations-oracles, disposées en cercles tout autour des bassins, étaient assises dans des trônes sculptés à même le cristal noir. Leurs yeux étaient révulsés, le blanc brillant sous les pulsations d’une transe absolue. Elles murmuraient à l’unisson, dans une langue si ancienne que les syllabes en semblaient brisées, informes.
— Sympas l’ambiance, ironisa Michael.
Le Fitzarch sursauta. El cru voir quelque chose se mouvoir dans les ténèbres. El sonda le noir et réalisé que les murs du temple étaient sculptés de hauts reliefs mouvants, qui ne cessaient de changer, tourmentés par une malédiction inconnue. Ils représentaient des scènes d’apocalypse, des cités célestes s’écroulant sous des pluies de feu, des élohim dévorés par des démons, d’autres chutant dans un abysse. Mais ces visions n’étaient pas fixes : les scènes se tordaient, évoluaient sous les yeux de Michaël, comme si elles suivaient une narration inconnue. Le Fitzarch vit son propre visage surgir sur l’un des murs, puis disparaître dans un brasier.
Loin d’être émerveillé par cette horreur raffinée, Michaël ressentit un frisson glacé lui parcourir l’échine. L’obscénité de cet endroit lui donna une nausée insoutenable. Ce n’était pas un temple : c’était un tombeau de visions, où l’avenir suintait des murs comme un poison.
Dans le silence sépulcral, une voix se leva, résonnant dans la cathédrale d’ombres :
♂ — Le futur t’attend, Michaël Fitzarch. Oseras-tu le regarder ?
Michaël soupira, son agacement masquant une peur glaçante. El s’avança en direction de la voix, vers un autel noir où une domination rouge de la tête aux pieds l’attendait, un sourire carnassier aux lèvres. Michaël l’observa avec effroi. Sa peau blafarde suintait de Sang d’Adam. Le Fitzarch ne pu réprimer une grimace. L’être énigmatique, amusé, lui présenta trois petits artéfacts de cristal noir, trois crânes séraphiques, posés sur l’autel.
♂ — Le Dragon a trois têtes. L'une sera un meurtrier, déchaînant la mort. L'autre sera un monarque, écrasé par le poids de sa couronne. Et la dernière sera un fou, dont les idées bouleverseront l'Histoire. Quelle tête seras-tu ?
— C’est quoi cette devinette stupide ? râla Michaël. Je ne suis pas là pour ça !
♂ — Pour avancer tu dois choisir, insista la domination.
Michaël réalisa alors que tous les oracles du temple le regardaient à présent, de leurs yeux injectés de sang. Le Fitzarch paniqua, ses cœurs s’emballèrent, son souffle se coupa. Une grande main se posa alors dans son dos, soutenant son corps chancelant.
— Tout va bien command’aile, rassura Léoniel. Ne sois pas impressionné par les extravagances de ces oracles. Els aiment s’annihiler l’esprit de prophéties insensées et s’amusent à les tester sur les autres pour les tourmenter. Choisis une tête au hasard pour terminer ce cirque et nous seront débarrassés d’els.
— Vous me posez une question qui n’a pas de sens, s’énerva Michaël, s’adressant à la domination. Satanachia a prédit que je mourrai sur le front de Guebourah et c’est bien ce que je compte faire, après avoir sauvé le royaume bien sûr. Je ne serai ni un meurtrier, ni un souverain, ni un révolutionnaire.
— C’est pas incompatible, risqua Nana.
♂ — Choisi, ordonna la domination.
— Rha !
Michaël saisit la tête du dragon-souverain brusquement et fit volte-face. Mais alors qu’el s’éloignait les deux autres têtes le suivirent en cliquetant. Elles étaient toutes reliées par une chaîne transparente. Découvrant cela, Michaël jeta les trois têtes sur le sol de cristal noir, les explosant au passage. L’incident déchaîna le oracles, qui se mirent à crier et chanter des complaintes agonisantes. La domination rouge, elle, éclata de rire. Léoniel prit alors Michaël par le bras et, esquivant la frénésie, l’emmena loin du chaos. Leur escorte les suivit. Nana les guida vers une pièce isolée, où trônait un grand miroir.
— Aller ! Faut qu’on sorte d’ici avant que ça dégénère, aboya Nana vers les cultistes qui les accompagnaient.
Les cultistes saisirent les poignets de tous les élohim de la troupes et sondèrent leurs vaisseaux sanguins, vérifiant la quantité de Sang d’Adam qui circulait en els. Cela fait, la troupe put enfin traverser le miroir, et retrouver la réalité dans un vertige.
☿ Je renonce à ma destinée, sur ma route vers la Divinité☿
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Le miroir franchit, Michaël et sa troupe arrivèrent dans une réplique parfaite du temple de Géhenna, excepté que l’endroit était vide de toute présence élohienne et dénué de ses bassins de Sang d’Adam. Le Fitzarch frémit, secoué. El s’envola, pressé de quitter cette forteresse. Léoniel le rattrapa pour le conduire à une nouvelle flotte de navettes. La troupe embarqua, et s’envola dans la cité de Madim.
Le Reflet avait été fidèle à la réalité. Dans le monde normal, Madim était tout aussi sombre et impressionnante. Brumeuse aussi. La seule différence, et elle était majeure, était la présence chaotique des élohim. Les vaisseaux du convoi s’insérèrent difficilement dans le trafic. Les couloirs aériens de la capitale étaient engorgés, saturés de vaisseaux de transport, de barges militaires et de convois d’approvisionnement. Michaël vit une escadrille de chasseurs en formation serrée, couvrant l’entrée d’un cargo lourdement blindé, qui tentait de forcer le passage à travers les lignes de défense. Les troupes en contrebas s'agitaient comme des insectes sous un ciel en feu, les soldats se déplaçant en rangs disciplinés, leurs armures rutilantes masquées sous une épaisse couche de poussière et de cendres volcaniques.
Michaël comprit qu’el volait dans une cité en état de siège, une forteresse suffocante, où chaque rue était un rempart, chaque place un poste de contrôle. Les fortifications se superposaient en strates massives. Sur les boulevards, des convois de blindés serpentaient difficilement à travers les avenues obstruées par des barricades et des points de contrôle, tandis que des miliciens en armure rouge invectivaient les foules de civils pressés contre les murs. Leurs halos étaient faibles, leurs visages creusés, marqués par la fatigue d’une guerre sans fin.
Dans les hauteurs, sur le dôme-muraille qui englobait la cité galactique, les puissances et les séraphins tenaient la ligne contre les assauts démoniaques. Michaël vit un déferlement de lumière ardente alors que les sentinelles célestes repoussaient une charge soudaine des démons de l’Abysse jaillissant de la brume, déchiquetant l’air de leurs serres acérées avant d’être pulvérisées par une salve de Feu Sacré. Les attaques se répétaient, encore et encore, une guerre qui ne finirait jamais.
En parallèle, en contrebas, les élohim s’activaient. Le convoi passa au-dessus des immenses forges de Madim, où des milliers de séraphins-forgerons et de chérubins-ingénieurs œuvraient sans relâche à la création de nouvelles armes. Des puissances colossales portaient des caisses de munitions et des cristaux thaumaturgiques à travers des allées infernales illuminées par le rougeoiement des flammes souterraines. Un réseau tentaculaire de rivières de lave artificielles alimentait ces forges, charriant non seulement l’énergie brute d’Olympus, mais aussi les âmes d’EL, qui luttaient pour remonter le courant vers le volcan.
Mais ce qui frappa Michaël fut l’oppression absolue qui régnait sur la ville. Les civils étaient écrasés sous le joug d’un ordre militaire impitoyable. La Milice de Madim ne tolérait ni contestation ni faiblesse. Les ophanim patrouillaient, surveillant le moindre geste de chacun. Dans les quartiers inférieurs, des soldats fouillaient brutalement des groupes de réfugiés, à la recherche d’éventuelle corruption démoniaque. Un attroupement dans une ruelle attira le regard de Michaël : une patrouille d’élites tenait en respect un groupe de vertus épuisées, leurs halos vacillants, leurs ailes recroquevillées. Les lois de Guebourah ne faisaient aucune distinction entre soldats et civils, tous devaient servir, d’une manière ou d’une autre.
— C’est une prison, murmura Michaël, la gorge serrée. Une prison d’obsidienne et de feu.
— Nous sommes en état de siège, expliqua Léoniel. La sévérité est la seule chose qui nous préserve de la catastrophe.
Michaël frémit, le chagrin serrant ses cœurs. Quelques instants plus tard, une obscurité nouvelle tomba sur la cité. Michaël leva les yeux, et découvrit une ombre omniprésente au-devant, couronnée d’une lumière aveuglante.
— Nous arrivons à proximité du sommet, expliqua Léoniel.
Michaël entendit les grondements du volcan et sentit de nouveau son courage le fuir. Le jeune Fitzarch pesta intérieurement contre sa propre faiblesse. En arrivant ici, el s’était senti gonflé de motivation, mais la rudesse de Guebourah avait déjà érodé son être.
— Ça va Michael ? demanda Nana. T’en fais une tête…
Michael ne répondit pas.
— Ces maudites dominations sont rentrées dans sa tête pour y mettre le désordre, pesta Léoniel. C’est leur spécialité. Si j’avais pu, je leur aurait mis une raclée pour les calmer.
— Ici, on sait calmer les dominations, ria Nana. Léo, raconte-lui l’histoire des oracles-guerriers !
— Je la connais, interrompit Michaël, qui n’avait pas envie de discuter ni d’écouter.
— Il y a près de dix mille ans, bien avant la Seconde Brisure, les oracles-guerriers étaient des dominations qui utilisaient leurs pouvoirs éponymes pour transformer d’autres élohim en monstres destructeurs à leur solde, expliqua quand-même Léoniel. Leurs pratiques étaient si abominables qu’elles furent condamnées par les primordieux et en punition, els furent emprisonnés sous Olympus. On dit que ce sont els qui font gronder le volcan, en essayant d’en sortir.
— Bouh ça fait peur, moqua Nana. Une chose de plus absolument terrifiante ici, n’est-ce pas ?
— Je ne suis pas effrayé par des contes pour enfant, rétorqua Michaël. Mais plutôt par l’organisation déplorable de cette cité.
— Déplorable ? s’indigna Nana.
— Ça se voit que vous manquez de vertus pour coordonner votre logistique, dit Michaël.
— C’est pas faux, avoua Léoniel. Mais c’est aussi pour ça que tu es là.
— Je ne vais pas pouvoir à la fois soutenir les combattants sur le front et réorganiser toute la capitale, avertit Michaël.
— On n'attend pas de toi de faire les deux à la fois, affirma Léoniel. Mais ta graine de Fitz, pourra nous donner des chorales et des chorales de vertus surpuissantes dans quelques années.
— Je n’aurai pas le temps de me reproduire, insista Michaël.
Nana gloussa.
— Te reproduire fera partie de ton devoir ici, affirma alors Léoniel. Nous avons besoin de troupes de vertus. C’est toi qui les produiras avec ta graine.
Michaël souffla par le nez.
— Les azohim de Guebourah sont très belles, affirma Nana. Tu n’auras aucun mal à accomplir ton devoir. N’est-ce pas Léoniel ?
— En effet je n’ai aucun mal à le faire moi-même, sourit Léoniel.
Michaël rougit.
— Tu as des enfants ? demanda-t-el.
— Évidemment, répondit Léoniel. Els renforcent les rangs de la Milice.
Après des heures d’un voyage affreusement lent, le convoi arriva enfin sur la crête d’Olympus. Michaël vit d’abord les nuées d’âmes d’EL qui remontaient le volcan, luttant contre les éléments pour atteindre son sommet, la caldeira, où une ultime épreuve du courage les attendrait. À Guebourah, c’était la résolve des âmes qui était testée. Elles tombaient dans des gouffres, des torrents de lave et se perdaient dans des tempêtes de sable rouge. Mais elles devaient persévérer, prouver leur force pour pouvoir continuer leur voyage.
— On est plus chanceux nous, s’amusa Nana. On fait le voyage confortablement.
Michaël fit la moue. Nana se moquait d’el. El savait bien qu’à peine arrivé, Guebourah l’avait déjà mis à l’épreuve. L’éclat malicieux dans le regard de la vertu de Géhenna le confirma.
— Nous arrivons au QG, annonça alors Léoniel.
Michael regarda en avant et distingua dans la brume rouge une silhouette monumentale, figée. Une statue immense.
— C’est la statue, réalisa Michael.
— Léoniel acquiesça, apparemment satisfait.
Dressée sur le flanc ouest du volcan Olympus, dominant Madim et les plaines embrasées de Guebourah, la statue de l’Ordre-des-Astres s’élevait comme une sentinelle intemporelle, figée dans le métal et la lumière. Haut de plus d’un kilomètre, ce colosse d’or et d’acier céleste transperce les cieux de sa silhouette magistrale, offrant un contraste saisissant avec l’austérité brutale de Guebourah et la sévérité de ses légions.
L’Ordre-des-Astres se tenait droit, glorieux et joyeux, vêtu d’une armure dorée. Sa lance monumentale étaient brandie vers le ciel, un trait de lumière figé dans la matière. Ses longs cheveux d’azur, couleur du ciel le plus pur, semblaient presque flotter sous l’effet du vent volcanique. Ses traits étaient parfaits, empreints de grâce et de noblesse, une beauté presque irréelle dans un monde de cendres et de fer.
Michaël resta subjugué, oubliant soudain l’enfer guébouréen.
— Que fait ce dieu ici ? murmura-t-el.
— C’est notre ancêtre à nous, les puissances, répondit Léoniel. Le Dieu de la Miséricorde. C’était aussi le dieu-vivant de Guebourah avant la Seconde Brisure. On a décidé de l’honorer.
— Oui el sait, fit Nana. Seulement, Michaël pense à juste titre qu’un être aussi beau que l’Ordre des Astres n’a rien à faire dans ce royaume de sévérité.
— La Sévérité n’a pas de sens sans la Miséricorde, répondit alors Léoniel, dans un élan de philosophie.
— La Sévérité est votre outil, la Miséricorde votre but, comprit Michaël.